L'expert-comptable ne peut pas sous-traiter ses activités réservées à un non expert-comptable

10.10.2022

Gestion d'entreprise

La Cour de cassation confirme la condamnation pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable d'une société non inscrite à l'Ordre pour avoir réalisé, en tant que sous-traitante d'un expert-comptable, des travaux qui relèvent de la prérogative exclusive de ce professionnel. Conséquence : l'expert-comptable donneur d'ordre est complice de ce délit.

Il est interdit à un expert-comptable de sous-traiter à un non expert-comptable des travaux qui relèvent de sa prérogative exclusive d'exercice. La Cour de cassation vient de réaffirmer ce principe. L'affaire concerne un expert-comptable qui, en tant que donneur d'ordre donc, a confié à un sous-traitant la mission "d'exercer, pour son compte, des prestations comptables telles que la saisie de comptabilité et l'établissement des déclarations fiscales". Or, ce sous-traitant n'était pas inscrit au tableau de l'Ordre des experts-comptables.

Confirmation

La chambre criminelle de la Cour de cassation confirme les condamnations prononcées en appel. Tout d'abord, celle du sous-traitant pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable. La société en cause et sa représentante légale s'étaient vues infliger une amende avec sursis respectivement de 2 000 euros et 1 000 euros. Ensuite, celle de l'expert-comptable pour complicité d'exercice illégal. Il écope d'une amende de 30 000 euros avec sursis.

Légitimité des activités réservées

Cette position de la Cour de cassation ne surprend pas. En février dernier, elle avait affirmé qu'un expert-comptable donneur d'ordre de prestations qui lui sont réservées ne peut pas les confier à une personne non inscrite à l'Ordre. Toutefois, la décision qu'elle vient de rendre apporte les précisions suivantes intéressantes :

► "si les travaux définis par l'article 20 de l'ordonnance susmentionnée [ordonnance n° 45-2138] comme relevant du monopole des experts-comptables doivent être exécutés par leur auteur en son nom propre et sous sa responsabilité, cette exigence s'attache, non pas au rapport entre ces travaux et le client au profit duquel ils sont effectués, mais à la qualité de leur auteur direct", développe la Cour de cassation. La société sous-traitante et sa représentante légale, condamnées en appel, soutenaient que l'exercice illégal suppose l'existence d'un lien contractuel direct avec le client au profit duquel les travaux sont effectués.

► "le sous-traitant effectue ses travaux sous sa responsabilité propre à l'égard de l'entrepreneur principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun", justifie la Cour de cassation ;

►" la sous-traitance de travaux de comptabilité, qui n'implique pas la complète subordination du sous-traitant à l'expert-comptable, ne permet pas de garantir la transparence financière ni la bonne exécution des obligations fiscales, sociales et administratives des acteurs économiques, alors que ces objectifs justifient la prérogative exclusive d'exercice de l'expert-comptable, professionnel titulaire du diplôme afférent, qui prête serment lors de son inscription au tableau de l'ordre, se soumet à un code de déontologie et à des normes professionnelles, et qui, objet de contrôles réguliers de son activité, est en outre soumis à une obligation d'assurance civile professionnelle", argumente la Cour de cassation.

Débat récurrent sur la saisie/tenue comptable

La décision de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire appelle plusieurs remarques. Parmi elles, celle de la définition du périmètre du "monopole" de l'expert-comptable. La Cour de cassation y intègre aujourd'hui la saisie comptable. Cela ne va pas de soi dans la mesure où cette tâche, voire plus généralement celle de tenue, n'est pas toujours considérée comme une activité réservée à l'expert-comptable (lire notre article).

Autre remarque, l'intégration de l'établissement des déclarations fiscales dans la prérogative exclusive d'exercice de l''expert-comptable. Même si cette position semble justifiée quant au fond, elle ne va pas de soi dans la mesure où l'établissement de ces déclarations ne fait pas explicitement partie des activités réservées à l'expert-comptable.

Enfin, la Cour de cassation considère que le "monopole" de l'expert-comptable répond à des objectifs de "transparence financière" ainsi que de conformités fiscale, sociale et administrative. Une façon de reconnaître, s'il en était besoin, que les prestations comptables de l'expert-comptable doivent garantir, au plan juridique, la conformité des entreprises dans plusieurs domaines.

Ludovic Arbelet

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