Sanctions européennes contre la Russie : quels impacts pour les entreprises ?

Sanctions européennes contre la Russie : quels impacts pour les entreprises ?

20.05.2022

Gestion d'entreprise

Restrictions à l'importation et l'exportation, sort des filiales et des succursales, rôle des professionnels du chiffre... la direction générale du Trésor apporte des éclaircissements sur les effets des mesures sectorielles et de gels d'avoirs prononcées par l'Union européenne dans le contexte de guerre entre la Russie et l'Ukraine.

Les sanctions européennes contre la Russie n'ont pas de portée extra-territoriale et s'appliquent, notamment, "à toute personne morale, à toute entité ou à tout organisme en ce qui concerne toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans l'Union". La direction générale du Trésor (DGT) apporte quelques précisions sur la portée de ces mesures dans une série de foires aux questions. 

Quel est le sort des filiales et succursales d'une entité sanctionnée par l'UE ?

L'impact dépend du type de restrictions prononcées.

Ainsi, les mesures de gel des avoirs s'appliquent non seulement à la personne ou l'entité désignée mais également aux entités qu'elle contrôle directement ou indirectement, y compris ses filiales et succursales européennes. Cependant, il est possible de mettre en place des dispositifs dits de "ringfencing" afin d’éviter le gel de la filiale et de demander des autorisations de transactions ponctuelles via le Téléservice pour des filiales qui seraient gelées, Icône PDFindique l'une des FAQ. 

S’agissant des mesures de sanctions sectorielles, deux cas de figure sont distingués :

  • si la mesure précise que la restriction concernée s’applique aux entités contrôlées et détenues par l’entreprise sanctionnée, la sanction s’applique aux filiales et succursales européennes, sauf mention ou précision contraire.
  • si aucune précision n’est apportée, la mesure de sanctions s’applique également aux succursales européennes d'une personne morale, d'une entité ou d'un organisme établi en Russie et sanctionnée. En revanche, une filiale européenne "constitue une entité juridique distincte de sa maison-mère russe", et donc, "constituée selon le droit d’un Etat membre, elle n’est pas considérée comme une personne morale, entité ou organisme établi en Russie".
Quelles sont les restrictions à l'importation ?

Des mesures sectorielles ciblent les échanges avec la Russie et la Biélorussie dans plusieurs secteurs économiques spécifiques. A la date du 5 mai 2022, plusieurs produits sont soumis à interdiction d'importation dans l'Union européenne depuis la Russie (sauf exemptions) :

  • certains produits sidérurgiques tels que les tôles à revêtement métallique, les tôles magnétiques, les aciers pour emballages, les tôles et feuillards laminés à froid, les éléments de voie ferrée, les conduites de gaz, les tubes et tuyaux (liste à l'annexe XVII du règlement UE/833/2014 modifié) ;
  • les produits de la mer, les ciments, les engrais, les produits chimiques, les produits en bois, les minéraux, les bateaux, ou encore les meubles (liste à l'annexe XXI du règlement). A noter que quelques produits agroalimentaires haut de gamme comme le caviar sont visés par ces interdictions d'importation alors que l'essentiel des restrictions des biens de luxe s'appliquent uniquement à l'exportation depuis l'UE.
  • les produits du charbon et autres combustibles fossiles (liste à l’annexe XXII du règlement).

Plusieurs catégories de produits sont également interdits d’importation depuis la Biélorussie : produits minéraux, produits à base de chlorure de potassium, produits du bois énumérés, produits du ciment, produits sidérurgiques, et produits en caoutchouc.

... et à l'exportation ?

Du côté des exportations, les produits de luxe sont soumis à interdiction dès lors que leur valeur dépasse 300 euros par article (sauf indication contraire dans le règlement européen). Entrent dans cette catégorie les pierres précieuses, les cigares, les parfums et eaux de toilettes, certaines catégories de vins (y compris les mousseux), les truffes et préparations à base de truffes, ou encore certains vêtements et accessoires (liste à l'annexe XVIII du règlement). Les entreprises européennes qui commercialisent ces produits ne peuvent donc plus les exporter vers la Russie.

"Il est non seulement interdit de fournir les biens visés à des personnes en Russie, mais aussi de les utiliser en Russie", Icône PDFprécise la direction générale du Trésor. "Cela inclut les transferts intra-UE, si le fournisseur a des raisons de croire que les produits de l'acheteur de l'UE atteindront ensuite la Russie. En outre, les activités de l'acheteur de l'UE doivent être portées à l'attention des autorités nationales compétentes".

A noter qu'une exportation peut être autorisée pour les contrats conclus avant le 26 février 2022, à condition que la demande ait été effectuée avant le 1er mai 2022, indique la FAQ.

Dans quelle mesure les financements publics à destination de la Russie sont-ils interdits ?

Par ailleurs, tous les financements publics et les investissements publics sont interdits à destination de la Russie. Sont visées ici toutes les opérations qui ont pour but ou pour effet de soutenir les entreprises en Russie, Icône PDFsouligne une autre foire aux questions. Cependant, cette interdiction ne vise pas les entreprises en tant que telles, mais le financement et l'investissement. "En d'autres termes, elle n'exclut pas totalement du financement public toutes les entreprises ou tous les fonds qui ont investi en Russie, ou qui y vendraient leurs produits ou services".

"Il s'agit d'une obligation de résultat, et une vigilance raisonnable de la part de l'assureur est nécessaire. Il convient de noter qu'il est interdit aux opérateurs de l'UE (assureurs et exportateurs) de participer à toute activité visant à contourner cette interdiction, par exemple en dissimulant l'objet ou les effets réels du financement", précise la DGT. 

Qu'en est-il de l'alerte des professionnels en matière de mise en œuvre des sanctions, et en particulier des gels d’avoirs ?

Sur le volet gel des avoirs, la direction générale du Trésor insiste sur le rôle des professionnels assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, dont font partie les experts-comptables et les commissaires aux comptes. Ces derniers doivent mettre en oeuvre "sans délai" les sanctions et déclarer "immédiatement" l'application d'une mesure de gel d'avoirs à la DGT. A savoir "dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dès que l’analyse de l’alerte a permis de s’assurer que la personne ou l’entité détectée est bien celle qui fait l’objet d’une mesure de gel", Icône PDFest-il précisé.

Ainsi, un professionnel assujetti qui détecte une telle opération doit :

  • "bloquer le compte ou l’opération pendant le traitement de l’alerte" ;
  • "identifier la personne à partir des informations connues (registres, connaissance client, sources ouvertes, etc.)". En cas de doute, une déclaration d’homonymie peut être adressée à la direction générale du Trésor ;
  • "informer immédiatement" la DGT de la mise en œuvre de la mesure de gel (signalement via sanctions-gel-avoirs@dgtresor.gouv.fr) ;
  • "déclarer à la direction générale du Trésor toutes les actions mises en œuvre pendant la durée du ge"l (gel d’un compte, d’une opération, d’un contrat ; toute opération portée au crédit d’un compte dont les fonds sont gelés ; suspension de toute opération de mise à disposition de fonds ou ressources économiques au profit d’une personne ou entité désignée ; refus d’entrer en relation d’affaires, d’exécuter une opération occasionnelle au profit d’une personne ou entité désignée, etc.)

A noter que cette obligation de mise en oeuvre des sanctions européennes "s’applique sans préjudice de celle d’effectuer une déclaration de soupçon à Tracfin", ajoute la foire aux questions. Un signalement à la cellule anti-blanchiment de Bercy est donc obligatoire concernant des "suspicions de contournement des sanctions", des "opérations exécutées avant l’entrée en vigueur d’une mesure de gel" ou encore "dans le cadre de relations d’affaires ayant un lien avec une personne ou entité désignée".

Céline Chapuis

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