Le monopole des experts-comptables est justifié et proportionné, selon la Cour de cassation

Le monopole des experts-comptables est justifié et proportionné, selon la Cour de cassation

13.03.2022

Gestion d'entreprise

Dans une affaire d’exercice illégal, la Haute juridiction estime que le monopole des experts-comptables est justifié par l'intérêt général et ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

La Cour de cassation s'est une nouvelle fois prononcée sur le monopole des experts-comptables, par l'intermédiaire d'une question prioritaire de constitutionnalité. A l'origine de cette QPC, deux personnes condamnées en appel pour exercice illégal de la profession d’expert-comptable et qui forment un pourvoi en cassation.

Cette question prioritaire de constitutionnalité porte sur les articles 2 et 20 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 réglementant la profession comptable, selon lesquels "(...) exerce illégalement la profession d'expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l'ordre en son propre nom et sous sa responsabilité, exécute habituellement des travaux prévus par les deux premiers alinéas de l'article 2 [travaux comptables] ou qui assure la direction suivie de ces travaux, en intervenant directement dans la tenue, la vérification, l'appréciation ou le redressement des comptes (...)" (article 20).

Les travaux visés par les deux premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance de 1945, sont la révision et l'appréciation des comptabilités, l'attestation de leur régularité et de la sincérité des comptes de résultats ; la tenue, la centralisation, l'ouverture, l'arrêté, la surveillance, le redressement et la consolidation de ces comptabilités.

Sous-traitance d'experts-comptables à des non experts-comptables

La question posée est de savoir si l'interdiction du recours par les experts-comptables à des sous-traitants non inscrits au tableau de l’ordre des experts-comptables pour l’exécution de ces travaux comptables porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre. D'autant que les dispositions contestées n'établissent "aucune distinction, parmi ces travaux, selon la nature, l'objet et la finalité des documents comptables dressés et des prestations en cause", arguent les auteurs de la QPC.

Pour rappel, la liberté d’entreprendre est protégée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Monopole justifié par l'intérêt général

Le 22 février dernier, la Cour de cassation a décidé de ne pas renvoyer cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Car elle ne présente pas un caractère sérieux.

La Haute juridiction estime tout d’abord que le monopole des experts-comptables est justifié par l’intérêt général. "La réglementation des opérations comptables énumérées par les deuxième et troisième alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, réservées à la profession d'expert-comptable, dont l'indépendance vis à vis des donneurs d'ordre est garantie et qui est soumise à des obligations déontologiques, est justifiée par l'intérêt général".

Les travaux relevant du monopole des experts-comptables sont, selon la Cour de cassation : la tenue, la centralisation, l'ouverture, l'arrêté, la surveillance, le redressement et la consolidation les comptabilités, ainsi que l'organisation des comptabilités et l'analyse par les procédés de la technique comptable de la situation et du fonctionnement des entreprises et organismes sous leurs différents aspects économique, juridique et financier. A noter que la jurisprudence de la Cour de cassation est fluctuante sur l'inclusion de la tenue comptable dans le monopole des experts-comptables.

Atteinte proportionnée à la liberté d'entreprendre

Les magistrats ajoutent que l'interdiction faite aux experts-comptables, "dont l'exercice de la profession est protégé", de sous-traiter ces opérations comptables à des tiers non inscrits au tableau de l’ordre, est "une conséquence nécessaire de la réglementation de leur activité".

Ainsi, même s'il existe une atteinte à la liberté d’entreprendre, celle-ci est "proportionnée au but d'intérêt général", estime la Cour de cassation. En effet, "les missions réservées à l'expert-comptable, limitativement énumérées par les dispositions contestées [article 2 de l'ordonnance de 1945], relèvent de l'encadrement imposé par les finalités ci-dessus définies", justifient les magistrats.

Céline Chapuis

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