Les dernières évolutions juridiques en matière de déséquilibre significatif

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1.       Le concept de déséquilibre significatif
En droit commercial, l’article L 442-6 2° du Code de commerce (depuis la loi LME du 4 août 2008) dispose qu’il est interdit de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Tout producteur, commerçant, industriel, immatriculé au RCS peut ainsi être sanctionné. En droit des affaires, cela vise l’hypothèse où un opérateur use de son pouvoir de négociation pour imposer à son partenaire des obligations qui relèvent de ses propres devoirs et qui sont d’un montant exorbitant. C’est une cause de nullité de clauses ou contrats signés entre partenaires commerciaux.

2.       Historique et évolutions récentes du déséquilibre significatif en droit des affaires
Le Conseil Constitutionnel a déclaré la notion de déséquilibre significatif suffisamment claire et ne contrevenant pas au principe de légalité des délits et des peines. Il a rapproché la notion affairiste de déséquilibre significatif de celle présente dans le code de la consommation (L 132-1) pour étayer son propos (Décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011).
La Cour de cassation ne s’est prononcée sur la notion affairiste de déséquilibre significatif que récemment, la jurisprudence est donc encore flottante mais on trouve malgré tout l’application de cette notion à des cas d’espèces :
Dans la grande distribution (fournisseur / distributeur) : le déséquilibre significatif peut s’appliquer à des clauses de révision de prix en raison du déséquilibre qu’elles présentent (CA PARIS Pole 5 Chambre 4 du 11 septembre 2013 n° 11/17941 – jurisdata n° 2013-019306) ; il peut s’appliquer à des clauses de taux de service ou de retours d’invendus (CA PARIS 4 juillet 2013). Encore dans la grande distribution, peut exister un déséquilibre significatif même sans pression explicite de la part du fournisseur (T. Com, Paris, 20 mai 2014, n 2013/ 070793).
Un déséquilibre significatif peut également avoir lieu dans un contrat de location financière (CA PARIS Pole 5 Chambre 11 du 7 juin 2013 n° 11/08674 jurisdata n° 2013-012615).
 
La cour d’appel de Paris a joué un rôle dans la définition du déséquilibre en droit commercial. Ainsi, s’il est nécessaire de faire la preuve d’un « élément de coercition » (TC, Paris, 24 sept 2013), le demandeur doit aussi faire la preuve de la « contrainte, pression ou menace » exercée sur lui, et la preuve d’un « rapport de force déséquilibré » (CA Paris 18 sept 2013, 12/03177). Par un arrêt du 18 décembre 2013, la CA de Paris a rappelé qu’« il peut être admis que le déséquilibre entre les parties instauré par une clause puisse être corrigé par l’effet d’une autre, mais encore faut-il que cette situation de rééquilibrage soit démontrée » (18 décembre 2013 n° 12/00150 – jurisdata n° 2013-030435.). Une appréciation globale du contrat peut donc intervenir pour éviter que ne soit prononcé le déséquilibre en droit commercial, mais l’auteur de celui-ci doit justifier que d’autres clauses rééquilibrent l’ensemble.
 
L’action peut enfin être introduite par toute personne intéressée, le ministère public, le ministre chargé de l’économie ou le président de l’Autorité de la concurrence. D’autre part, il est important de noter que « le juge peut s’inspirer de la jurisprudence relative aux clauses abusives pour délimiter les contours de l’infraction de déséquilibre significatif » (CA Paris, 29 oct 2014,n°13/11059).
 
Dans un arrêt du 3 mars 2015, la Cour de cassation,  approuve la méthode d’analyse des juges du fond pour des contrats conclus avec la grande distribution en prenant en compte le contexte dans lequel le contrat est conclu. La notion de déséquilibre significatif est complexe à cerner car elle renvoie à une mise en balance et à une comparaison des droits et obligations des parties. Il convient donc d’analyser, dans chaque contrat, en comparant les clauses du contrat dans son ensemble, si les droits et obligations d’une partie sont significativement déséquilibrés par rapport à ceux de son cocontractant. Cependant, il est peu évident, pour le moment, de savoir dans quel cas, en dehors des affaires liées à la grande distribution, le contexte contractuel sera pris en compte. Dans la digne lignée de cette jurisprudence de la Haute Juridiction, la cour d’appel de Paris (le 1er juillet 2015) a accepté que le juge déclare abusive une clause contractuelle portant sur le prix, dès lors qu’un déséquilibre significatif existe (entre un fournisseur et un distributeur).
La Loi Macron du 6 août 2015 a, en outre, renforcé le montant de l’amende civile pouvant être prononcée, qui s’élève à 2 millions d’euros maximum (Art. L442-6 III c. de commerce).
 
Pour conclure, soulignons que l’avant-projet de réforme du droit des obligations vise à introduire un article 77 dans le code civil autorisant la sanction des clauses créant un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », ce qui permettra au juge de les supprimer de divers contrats.

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