Revalorisation 2021 des salaires minima dans les cabinets : "1% c’est une blague"

30.05.2021

Gestion d'entreprise

4 syndicats de salariés sur 5 ont refusé de signer l’accord sur les salaires de mars 2021. Selon eux, l’augmentation de 1% est insuffisante au regard du travail fourni par les collaborateurs dans le contexte de crise de la Covid-19. Pour le patronat qui a approuvé cette réévaluation, l'objectif affiché est de préserver les intérêts légitimes des cabinets en ces périodes d'incertitudes.

La CGT (confédération générale du travail) ne décolère pas. "2020 a été une année record en terme de charge de travail pour les collaborateurs des cabinets comptables. On leur a demandé des efforts importants", martèle Céline Vicaine, l'une des représentantes du syndicat. Alors que le monde entier découvrait le Covid-19, les équipes ont été sur tous les fronts face à une crise inédite et un arsenal d’aides d’Etat qu’il a fallu expliquer aux clients. Un "tsunami de travail", en raison notamment d'une activité déclarative intensive avec le dispositif du chômage partiel. Entre autres conséquences : "les salariés ont dû accepter des efforts sur leurs congés pour faire face à cette charge exceptionnelle", glisse la porte-parole de la CGT.

Efforts des collaborateurs insuffisamment récompensés

Pour toutes ces raisons, la CGT estime que les salaires minima de la convention collective des cabinets d’expertise comptable et de commissariat aux comptes auraient dû être davantage revalorisés cette année. A l’issue des négociations entre partenaires sociaux, le syndicat a donc refusé de signer l’accord du 9 mars 2021 (*) qui augmente les valeurs de la grille générale de 1%. "Insuffisant" pour "rétribuer le travail réellement réalisé", estime Céline Vicaine. Pour rappel, les minima conventionnels étaient en hausse de 1,75% l'année précédente.

Même son de cloche du côté de FEC-FO (Fédération des employés et cadres de Force ouvrière) qui demandait une revalorisation de 1,2%-1,5%. Cette augmentation "devait refléter une reconnaissance envers les salariés pour leurs efforts sur l’année 2020", souligne le syndicat dans un communiqué. Qui évoque "une occasion manquée pour les salariés". "Dans un contexte de mise en œuvre forcée du télétravail et bien souvent d’absence de compensation des coûts engendrés pour le salarié, cette réévaluation des minima salariaux était destinée à compenser pour partie cette évolution durable de l’organisation du travail dans les cabinets", explique l’organisation. D’autant que "beaucoup de salariés, particulièrement ceux des petits cabinets, sont rémunérés au niveau de cette grille [conventionnelle] et dépendent de cette augmentation annuelle".

La profession aurait bien amorti la crise

Autre argument des syndicats non-signataires : les cabinets n'ont pas vraiment souffert de la crise. "La profession a amorti la crise de façon plus aisée que d’autres branches (administrateurs judiciaires…)", affirme Alexandre Picaud, représentant de la CFTC (confédération française des travailleurs chrétiens). L’activité soutenue des structures comptables pendant cette période leur aurait été plutôt bénéfique. "2020 a vu exploser les bénéfices des cabinets", avance Céline Vicaine. Il n'existe pas encore, à ce jour, de données précises sur l'activité des cabinets en 2020 et on ne sait pas dans quelle mesure ces derniers ont facturé leurs clients, souvent en difficulté, mais la plupart ont continué à tourner à plein régime. "1% c'est une blague quand on voit les bénéfices engrangés malgré le contexte, les dividendes versés par quelques gros cabinets et les exercices de forte activité à venir", soutient la représentante de la CGT.  

Préserver les intérêts des cabinets en ces périodes d'incertitudes, selon le patronat

La CFDT (confédération française démocratique du travail) est la seule organisation de salariés qui a signé l'accord sur les salaires cette année. Avec plus de 30% de représentativité, sa signature était suffisante pour valider l'accord. "La CFDT a pris la décision de signer seule l’augmentation des minima conventionnels de la branche comme nos adhérents le demandaient, nous explique Marie Buard, secrétaire nationale. En effet, nous constatons dans les entreprises que de plus en plus de salariés sont proches des minima conventionnels…une augmentation de 1% des salaires n’est pas négligeable. Pour la CFDT, le pouvoir d’achat des salariés est un axe essentiel de nos revendications…et surtout le reste à vivre".

Du côté de la délégation patronale, on se réjouit de cette signature du 9 mars 2021. Pour Icône PDFl'Ifec et ECF, l'objectif était "de maintenir le pouvoir d'achat des salariés au regard des différents indicateurs comme l'évolution du SMIC ou le niveau de l'inflation" (le taux d'inflation est de 0,5% en 2020 selon l'Insee), mais également "de préserver les intérêts légitimes des cabinets en ces périodes d'incertitude". "C'est un message de confiance mais aussi de prudence qui est envoyé par la branche avec la signature de cet accord", concluent les organisations patronales.

"On ne veut plus se contenter des miettes"

Ces désaccords révèlent une crise plus profonde au sein des instances syndicales, qui dure depuis plusieurs années. La CFTC ne signe plus l’accord sur les salaires depuis 2018 en raison de l’écart - de 42% - qui persiste entre le salaire minima du premier niveau de cadres de la grille de la convention collective (coefficient 330) et le montant du PMSS (plafond mensuel de sécurité sociale). Les minima conventionnels sont des "salaires au rabais", déclare Alexandre Picaud. "On décorrèle cette grille des salaires réels. C’est le pire écart qu’on peut retrouver dans les professions du droit". "Nous on ne sera jamais signataire, on ne veut plus se contenter des miettes", lance-t-il. Une situation qui, selon plusieurs syndicats, n'est pas non plus de nature à oeuvrer pour l'attractivité de la profession.

Mais entre le statu quo et la prise en compte d'une revalorisation - même faible - des minima conventionnels, où placer le curseur ? Bref, un casse-tête pour les représentants des salariés des cabinets comptables. 

 

(*) Cet accord attend encore l'arrêté d'extension pour s'appliquer à l'ensemble des cabinets comptables de la branche. Il sera applicable à compter de la publication de l'arrêté et, pour les cabinets adhérents des organisations patronales, à compter du 1er octobre si l'arrêté d'extension n'est pas publié à cette date.

Céline Chapuis

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