Quand la détention de titres d'une société d'expertise comptable est utile à l'entreprise individuelle d'audit

Quand la détention de titres d'une société d'expertise comptable est utile à l'entreprise individuelle d'audit

10.12.2020

Gestion d'entreprise

Un professionnel du chiffre bénéficie, en tant qu'entrepreneur individuel, d'une exonération fiscale lors de la cession de titres d'une société d'expertise comptable dans la mesure où il y détient une participation majoritaire qui lui permet de maintenir son activité individuelle d'audit. Cette dernière s'exerçant dans les locaux avec le personnel et le matériel de la société.

Dans quelle mesure la détention de parts dans une société d'expertise comptable est-elle utile à une activité d'audit exercée à titre individuel ? Le cas s'est récemment posé devant le Conseil d'Etat. L'enjeu était le bénéfice de l'exonération d'une plus-value de cession pour une entreprise individuelle. 

Que s'est-il passé ? Un expert-comptable et commissaire aux comptes (Cac), exerçant à titre individuel, apporte la branche expertise comptable à une société. En contrepartie, il reçoit des titres de société qu'il inscrit à son actif professionnel. Il exerce donc l'expertise comptable via cette société - dans laquelle il détient une participation majoritaire - et continue d'exercer son activité d'audit (et d'expertise judiciaire) en individuel. Douze ans plus tard, il cède ses parts de la société d'expertise comptable.

Désaccord sur l'inscription en tant qu'actifs professionnels

A la suite d'une vérification de comptabilité, le professionnel du chiffre fait l'objet d'un redressement fiscal. Selon l'administration, il ne peut pas bénéficier d'une exonération de sa plus-value de cession, en tant qu'entrepreneur individuel, au titre de l'article 151 septies du code général des impôts car les titres cédés n'ont pas le caractère d'actifs professionnels (l'exonération de l'article 151 septies vise les plus-values de cession réalisées dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole). Le Fisc en déduit que les produits financiers issus de ces titres ne sont pas imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et doivent être soumis aux contributions sociales en tant que revenus de capitaux mobiliers, et que la plus-value de cession des titres n'est pas exonérée.

L'expert-comptable et commissaire aux comptes demande la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales et d'impôt sur le revenu. Le tribunal administratif de Rennes lui donne tort, ainsi que la cour administrative d'appel de Nantes.  

Pas de justification d'utilité, selon la cour administrative d'appel

Les juges d'appel considèrent que les parts de la société d'expertise comptable ne relèvent pas de son patrimoine professionnel. Car ces titres ne sont pas utiles à l'activité d'audit (et d'expertise judiciaire) encore exercée par le contribuable dans son entreprise individuelle. La cour administrative d'appel s'appuie sur l'article 93 du code général des impôts selon lequel "les éléments d'actif affectés à une activité non commerciale s'entendent, soit de biens qui, spécifiquement nécessaires à l'activité du contribuable, ne peuvent être distraits par celui-ci de son actif professionnel, soit de biens qui, de la nature de ceux dont l'usage est requis pour l'exercice de cette activité, sont effectivement utilisés à cette fin par le contribuable".

Selon les magistrats, le professionnel du chiffre n'établit pas que la détention d'actions de la société d'expertise comptable est une condition nécessaire à l'exercice de l'activité individuelle en tant que Cac. 

Mêmes locaux, même personnel, même matériel

Le Conseil d'Etat n'est pas de cet avis. Selon lui, les juges d'appel ont fait une erreur de droit et l'affaire doit être réglée au fond. La Haute juridiction rappelle tout d'abord qu’il appartient au contribuable de justifier, d’une part, que l'actif "non affecté par nature à l'exercice de son activité non commerciale" est inscrit au registre des immobilisations professionnelles, et, d’autre part, que cette détention est utile à l’exercice de cette activité.

Et pour les hauts magistrats, cette utilité professionnelle est justifiée. Plusieurs éléments démontrent que les titres de la société d'expertise comptable étaient utiles à l'activité individuelle de commissaire aux comptes. Premièrement, le professionnel avait, dès leur acquisition, inscrit les titres de la société en immobilisations professionnelles. Ensuite, le professionnel du chiffre détenait une participation majoritaire dans le capital de la société d'expertise comptable au sein de laquelle il continuait d'exercer son activité d'expertise comptable, et il en était le gérant. Cela "lui a permis de maintenir son activité individuelle de commissaire aux comptes et d'expert judiciaire, laquelle s'exerçait dans les locaux avec le personnel et le matériel de la société", en déduisent les juges.

Dès lors, le professionnel du chiffre pouvait inscrire ses titres de société au registre de ses actifs professionnels et bénéficier de l'exonération de sa plus-value de cession. Les arrêts de première instance et d'appel sont annulés et le professionnel du chiffre est déchargé des suppléments de contributions sociales et d'impôt sur le revenu.

Céline Chapuis

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