L’Assemblée nationale ajuste le budget 2021 à la crise de la Covid-19

L’Assemblée nationale ajuste le budget 2021 à la crise de la Covid-19

17.11.2020

Gestion d'entreprise

Les députés ont adopté hier le projet de loi de finances pour 2021 en première lecture. Les dispositifs de prêts garantis par l’Etat et de prêts participatifs, ainsi que le fonds de solidarité seraient prorogés. La mise en place d'un crédit d'impôt pour abandon de loyers commerciaux est également actée.

355 voix pour, 202 voix contre. Le 17 novembre, l’Assemblée nationale a voté l’ensemble du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Plusieurs mesures issues du texte initial ont été adoptées : la suppression progressive de la majoration de 25% pour non adhésion à un OGA (organisme de gestion agréé) ou encore la baisse des impôts de production. Mais les députés ont aussi largement amendé le PLF avec l’ajout de mesures marquées par la crise actuelle.

Des prêts jusqu’à fin 2021

Plusieurs dispositifs de soutien aux entreprises touchées par la crise de la Covid-19 seraient prolongés. Les prêts garantis par l’Etat (PGE), tout d’abord, pourraient être accordés pour six mois supplémentaires, soit jusqu’au 30 juin 2021. Ce mécanisme devait prendre fin le 31 décembre 2020. Pour les PGE accordés en 2021, il est précisé que les concours totaux apportés par l'établissement prêteur à l'entreprise concernée ne doivent pas avoir diminué, lors de l'octroi de la garantie, par rapport au niveau qui était le leur le 31 décembre 2020 (au lieu du 16 mars 2020 pour les prêts accordés en 2020).

Les prêts participatifs de l’Etat seraient quant à eux rallongés d’une année. Les petites et très petites entreprises éligibles (notamment celles qui n’ont pas obtenu de PGE) pourraient en bénéficier jusqu’au 31 décembre 2021, au lieu du 31 décembre 2020. "Compte tenu des conséquences persistantes de la crise économique et de l’endettement accumulé par les entreprises en 2020, il est attendu une augmentation du nombre de restructurations en 2021. Le dispositif de prêts participatifs pourrait donc utilement être prolongé en 2021 pour que les CODEFI [comités départementaux d’examen des difficultés de financement de entreprises] disposent d’un outil de quasi-fonds propres dans les dossiers de restructuration", justifie l’exposé des motifs de l'amendement.

Les garanties de l’Etat sur les couvertures d’assurance-crédit seraient également prorogées pour toutes les nouvelles opérations intervenant entre le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2021.

Le fonds de solidarité suit les prorogations de l’état d’urgence sanitaire

Le fonds de solidarité, ouvert aux entreprises de moins 50 salariés, serait disponible jusqu’au 16 février 2021, nouvelle date de fin de l’état d’urgence sanitaire. Il est également prévu la possibilité de prolonger le dispositif au-delà du 16 février 2021 par décret pour une durée d’au plus six mois, au lieu de trois mois actuellement. Objectif : "pouvoir faire face dans des délais très rapides à tout besoin éventuel de prorogation du fonds si l’évolution de la situation sanitaire et économique l’exige", explique l’exposé des motifs de l'amendement.

Une aide pour les indépendants totalement défiscalisée

Des précisions sont par ailleurs apportées sur l’une des aides financières exceptionnelles accordées à certains travailleurs indépendants dont l’activité est impactée par la crise du coronavirus. Cette "première" aide, mise en place en avril 2020 par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (une seconde aide a été activée en novembre), serait exonérée d’impôt sur le revenu (IR), d’impôt sur les sociétés (IS) et de toutes les contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle.

Rappelons que ce dispositif s’adresse aux indépendants en activité au 15 mars 2020 et immatriculés au régime complémentaire des indépendants avant le 1er janvier 2019. L’aide, plafonnée à 1250 euros, correspond au montant des cotisations de retraite complémentaire versées par les indépendants sur la base de leurs revenus de 2018. L’exonération fiscale a pour objet de neutraliser les effets du versement de cette aide pour l’application du régime d’imposition applicable au bénéficiaire, expliquent les auteurs de l’amendement.

Crédit d’impôt en cas d’abandon de loyers commerciaux

Conformément aux annonces gouvernementales (validées par les députés), un crédit d’impôt serait mis en place en faveur des bailleurs qui renoncent à une partie de leurs loyers afférents à des locaux. L’entreprise locataire doit employer moins de 5000 salariés et les locaux loués doivent avoir été fermés administrativement ou appartenir à un secteur spécifique (dit S1, tel que l’hôtellerie, les cafés, la restauration ou la culture et l’événementiel).

Ce crédit d'impôt serait égal à 50% des loyers abandonnés "qui auraient été normalement dus au cours de la période d'application des mesures de confinement". Pour les entreprises entre 250 et 5000 salariés, le dispositif s'appliquerait dans la limite des deux tiers du montant des loyers abandonnés. Cet avantage fiscal serait cumulable avec les versements du fonds de solidarité dont peuvent bénéficier les entreprises locataires. Autre précision : le crédit d’impôt serait imputable sur l’IR dû au titre de l’année 2021 et sur l’IS dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2021.

Soutien aux entreprises en procédure de conciliation

Deux dispositifs fiscaux – applicables actuellement aux entreprises placées en procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire – s’étendraient aux procédures de conciliation. Donc en amont de la cessation de paiement et des procédures collectives. Premièrement, la "présomption de normalité des abandons de créance à caractère commercial" (qui "vise à ne pas désinciter les sociétés détentrices de créances commerciales à y renoncer au profit de sociétés débitrices en difficulté en leur garantissant que la déduction des aides ainsi accordées ne sera pas remise en cause ultérieurement par l’administration") s’appliquerait aux abandons de créances consentis en application d’un accord de conciliation.

Deuxièmement, les entreprises engagées dans une conciliation pourraient bénéficier d’un remboursement anticipé de la créance qu’elles détiennent sur l’Etat au titre du report en arrière de déficits. "Dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique, ces deux mesures apporteront un soutien aux entreprises en difficulté", justifient les auteurs de l’amendement.

Encourager davantage la reprise d’entreprises industrielles

Une autre mesure de crise a été adoptée pour encourager la reprise d’entreprises industrielles. Il s'agit de la prorogation d'un an de l’exonération d’IS accordée aux sociétés créées afin de reprendre une entreprise industrielle en difficulté à la suite d’une cession dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire. Ces sociétés pourraient être créées jusqu’au 31 décembre 2021. "Beaucoup d’entreprises industrielles risquent de fermer à cause de la crise. Dans la période actuelle, il est donc indispensable de prolonger le dispositif. L’objectif est de sauver des entreprises et les emplois qui y sont liés", selon l’exposé des motifs de l’amendement.

Deux ans de plus pour les aides zonées

Les dispositifs de soutien aux entreprises installées dans certaines zones ou certains territoires en difficultés seraient quant à eux prorogés de deux ans, pour arriver à échéance le 31 décembre 2022. Seraient ainsi exonérées d’impôt les entreprises qui se créent jusqu’à cette date dans les zones de revitalisation rurale, les zones d’aide à finalité régionale, les zones d’aide à l’investissement des petites et moyennes entreprises, les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs, les bassins d’emploi à redynamiser, les bassins urbains à dynamiser ou les zones de développement prioritaire.

"La prorogation pour deux années permettra aux entreprises de disposer d’une meilleure visibilité en cette période économique difficile et à l’ensemble des acteurs concernés de préparer sereinement cette réforme [des dispositifs d’aide]", indiquent les auteurs de l’amendement.

Relèvement du plafond des entreprises éligibles au taux réduit d’IS

D’autres mesures du PLF adoptées par l’Assemblée nationale ne sont pas directement liées à la crise de la Covid-19. Ainsi, le bénéfice du taux réduit d’IS serait étendu aux PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 millions d’euros, au lieu de 7,63 millions d’euros actuellement. Pour rappel, un taux d’IS de 15% s’applique, à certaines conditions, sur les 38 120 premiers euros de bénéfice.

Ce relèvement du plafond de chiffre d’affaires s’appliquerait aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021. "Cette mesure soutiendra directement les petites entreprises (...), estiment les auteurs de l'amendement. Un tel soutien semble tout à fait opportun - et permet au demeurant d’aligner le plafond prévu pour le taux réduit d’IS sur le plafond de chiffre d’affaires retenu pour la définition des petites entreprises". 

Calendrier fixé pour la généralisation de la facture électronique

Des précisions sont apportées sur le projet de généralisation de la facture électronique. Dès 2023, l'ensemble des entreprises devraient "se mettre en mesure de recevoir une facture électronique (obligation de réception), le cas échéant via la plateforme publique mise à disposition gratuitement par l'État : cette étape est nécessaire pour permettre aux entreprises d'engranger rapidement les gains attendus de la facturation électronique", selon l’exposé des motifs de l’amendement.

Puis, progressivement, une obligation d’émission des factures sous forme électronique serait imposée à compter du 1er janvier 2023 pour les grandes entreprises, du 1er janvier 2024 pour les entreprises de taille intermédiaire et du 1er janvier 2025 pour les TPE/PME. De plus, ces entités devraient transmettre à l'administration des informations dont certaines ne seraient pas issues de ces factures.

Incitations fiscales vertes

D'autres avantages fiscaux sont prorogés. Les entreprises soumises à l’IR qui acquièrent des véhicules d’au moins 2,6 tonnes utilisant des énergies propres (gaz naturel pour les véhicules, gaz naturel liquéfié, biométhane carburant, énergie électrique…) pourraient se voir accorder une déduction exceptionnelle d’impôt jusqu’au 31 décembre 2024, au lieu du 31 décembre 2021.

Dans la même lignée, les entreprises imposées à l'IS pourraient bénéficier jusqu’au 31 décembre 2024 de la réduction d’impôt pour mise à disposition gratuite de leurs salariés d’une flotte de vélos pour leurs déplacements entre le domicile et leg lieu de travail. Ce dispositif devait prendre fin le 31 décembre 2021.

Enfin, un crédit d’impôt temporaire serait aussi mis en place en faveur des PME pour leurs dépenses de travaux de rénovation énergétique de leurs bâtiments à usage tertiaire engagées entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre 2021. Ces travaux pourraient porter sur des opérations d’isolation thermique ou sur l’installation de systèmes de chauffage, de refroidissement et de ventilation des locaux.

Le Sénat doit désormais examiner le PLF pour 2021.

Céline Chapuis

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