"Dans les quinze jours qui viennent, il faut régler la TVA et les salaires"

"Dans les quinze jours qui viennent, il faut régler la TVA et les salaires"

19.03.2020

Gestion d'entreprise

Retrouvez chaque semaine notre interview sur un sujet d'actualité. Quelles sont les conséquences du coronavirus pour les cabinets comptables et leurs entreprises clientes ? Le point de vue de Charles-René Tandé, président du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables.

Quelle est la situation dans les cabinets comptables et dans leurs entreprises clients ?

On a conseillé aux cabinets de mettre en place au maximum le télétravail. C’est le principe général. Mais ce n’est pas toujours évident. Certains peuvent le faire parce qu’ils sont déjà organisés pour. D’autres moins. Ce n’est pas toujours évident d’avoir 100 % des postes en télétravail. Et puis il y a des cabinets qui ne sont pas outillés pour.

A cela s’ajoute le fait que nous sommes dépendants des clients. On récupère régulièrement leurs pièces comptables. A partir du moment où le client a l’habitude de passer au cabinet déposer ses documents ou que c’est nous qui allons chez lui pour faire la comptabilité, s'il n’y a plus ce lien cela pose problème. Les situations sont très diverses entre les cabinets et au sein des cabinets entre les équipes. Aujourd’hui il y en a qui ont décidé de fermer et d’autres qui continuent une activité avec un effectif réduit sur place pour respecter toutes les règles de distanciation sociale afin de ne pas prendre de risques dans la contagion de l’épidémie.

Quand vous dîtes que des cabinets ont décidé de fermer, vous parlez de la fermeture de leur site ?

Oui. Ils ont fermé le site physiquement. D’autres ont un site qui est ouvert mais avec un effectif très réduit qui assure une permanence téléphonique et physique.

Il y a aussi un aspect culturel, management. Dans l’ensemble, je ne suis pas persuadé que ce soit dans la culture des cabinets comptables de faire du télétravail...
On ne va pas tenir très longtemps à remplir toutes les équipes en télétravail

Le télétravail commence à prendre sur des notions d’une journée par semaine, deux maximum. Là, la question qui se pose, c’est brutalement de mettre en place 100 % en télétravail et sur une durée longue. Des réunions que j’ai pu avoir avec des confrères avant-hier, ils me disaient que cette semaine ça va aller car il y a du travail. Mais à partir de la semaine prochaine, le stock de travaux va se tarir. On ne va pas tenir très longtemps à remplir toutes les équipes en télétravail. C’est pour ça qu’on est obligé de garder un lien si on veut avoir une continuité pour l’établissement des déclarations et l’établissement des paies. On a très vite, fin de semaine, l’établissement des déclarations de TVA et à la fin du mois celui des paies. Il faut que les salariés soient payés. Et en plus cette paie du mois de mars est plus compliquée compte tenu des différentes situations de chacun.

Y-a-t-il des cabinets qui envisagent d’être en activité partielle ou peut-être certains s’y sont-ils déjà engagés ?

Oui. Certains ont engagé des demandes d’activité partielle. Il y a vraiment tous les cas. Certains vont être à 100 % en télétravail. D’autres vont être en partie en télétravail et en partie en activité partielle.

Quelle est la situation des entreprises clientes des cabinets ?

Cela dépend des secteurs d’activité. Certains, telle que la restauration, sont fermés depuis dimanche. Là, on va avoir à gérer des problèmes de trésorerie très très rapidement puisqu’il n’y a plus aucune rentrée alors qu’il y a des dépenses. Là il faut mettre en place tout un système de soutien pour le financement. Il s’agit d’un arrêt d’activité complet, ce qui est simple en termes de mesures à prendre mais avec des difficultés qui vont être gravissimes sur le plan de la trésorerie. Et puis il y a d’autres entreprises, nombreuses, par exemple dans le bâtiment, qui se demandent si elles peuvent continuer leur activité. Ce n’est pas toujours très clair en fonction des secteurs d’activité. Il y a un arrêté qui liste clairement les commerces qui ouvrent et ceux qui doivent fermer mais dans les autres entreprises ce n’est pas toujours évident. Et depuis les restrictions de circulation de ce mardi, on essaie de faire en sorte que les salariés aient leur autorisation. Si l’employeur n’a pas fourni le papier d’autorisation pour le trajet domicile travail, le salarié va se retrouver bloqué voire avec une amende.

Beaucoup de mesures ont été annoncées, tant par le gouvernement que par d’autres parties prenantes. Du côté du gouvernement, il y a notamment l’activité partielle, le report de certaines charges fiscales et sociales, l’aide de 1500 euros pour les TPE en difficulté, le report de la déclaration de liasse fiscale, etc. Ces mesures sont-elles pertinentes et suffisantes ?
Les mesures qui sont prises vont dans le bon sens

De nombreuses mesures ont été très très vite proposées. Il faut aussi, dans des périodes aussi compliquées et brutales, être indulgent. Je vois beaucoup de réactions, que je comprends, légitimes mais excessives parce que les temps de réaction sont plutôt rapides je trouve mais pas assez aux yeux de certains. Chaque jour il y a un lot de nouvelles mesures qui viennent en fonction des évolutions de l’épidémie. Les mesures qui sont prises vont dans le bon sens. Il y a un point sur lequel l’Etat considère que c’est impossible de transiger, c’est la TVA. Donc elle doit être réglée. Ce qui veut dire aussi que nous devons établir une déclaration de TVA et faire que les entreprises règlent leur TVA. C’est un point important. C’est vrai que sur le reste, sur les déclarations fiscales, il y a déjà eu des adaptations. Les délais que nous avions obtenus sur la liasse fiscale au 31 mai ou la déclaration de revenus au 15 juin étaient antérieurs au coronavirus. Il s’agissait de demandes liées plutôt à des aspects techniques de millésimes, de liasse. Ces délais pourront être revus peut-être en fonction de la durée de la crise. Aujourd’hui, personne ne sait combien de temps cela va durer. Le 31 mai, c’est loin. La préoccupation première, ce n’est pas les délais. C’est d’abord la santé et deuxièmement que les entreprises puissent passer le cap. Nos mesures d’urgence sont vraiment de répondre aux demandes des clients sur la mise en place des dossiers d’activité partielle, de recherche de financement.

La trésorerie des TPE est-elle un des sujets majeurs ?
Ca va être compliqué pour les petites entreprises de passer le cap

Oui. Mon inquiétude est là. Dans les quinze jours qui viennent, il faut régler la TVA et les salaires. Et pour les dossiers d’activité partielle, les remboursements n’arriveront que le 15 avril. Or pour les entreprises qui se retrouvent avec une vraie rupture d’encaissement, les réserves en trésorerie assez souvent ne sont pas suffisantes pour tenir pendant un mois. La BPI intervient. Avec le crédit 50000 euros, on peut avoir des réponses des banques en trois jours. Donc il y a des outils mais le problème c’est le nombre de dossiers qui vont être déposés. Ca va être compliqué pour les petites entreprises de passer le cap même si tout le monde est mobilisé.

Propos recueillis par Ludovic Arbelet

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