Sous-traitance des cabinets comptables : les chiffres divergent

Sous-traitance des cabinets comptables : les chiffres divergent

14.11.2019

Gestion d'entreprise

L’Insee estime que les entreprises du secteur comptable ont externalisé 8,5 % de leur activité en 2017. Ce pourcentage est beaucoup plus élevé que celui fourni par le CSOEC. Il revient, selon nous, à une sous-traitance des activités coeur de métier de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.

En juillet dernier, nous nous demandions si la sous-traitance commandée par les cabinets comptables n’était pas sous-estimée en France. A cette époque, le seul repère chiffré provenait, à notre connaissance, d’une étude sur la gestion des cabinets d'expertise comptable publiée en 2018 par le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables. Elle tend à montrer que le phénomène serait marginal. "La part de la sous-traitance a représenté un peu plus de 3 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des cabinets interrogés", avance-t-elle sur la base des réponses de structures de 0 à 49 salariés.

Plusieurs symptômes interrogent sur cette conclusion. De nombreux cabinets témoignent de leur intérêt pour l’externalisation d’une partie de leur activité — même si certains sont au contraire opposés à cette pratique. Il existe aussi un fossé important, de l'ordre de 3,5 milliards d'euros pour 2016, entre l’estimation de l’activité du secteur comptable fournie par l’Insee et celle que l’on peut reconstituer à partir des communications du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, du H3C et, pour ce qui concerne les organismes de gestion agréés (OGA), de la Cour des comptes. Or, ce fossé pourrait provenir notamment du phénomène de sous-traitance qui gonflerait artificiellement le chiffre d'affaires du secteur.

Les réponses de 800 entreprises du secteur comptable

La note récemment publiée par l’Insee alimente la thèse selon laquelle la sous-traitance commandée par le secteur comptable, c’est-à-dire en tant que donneur d’ordre, est supérieure à 3 % de son activité. L’institut national de la statistique et des études économiques considère qu’elle s’est élevée en 2017 à 8,5 % des 19,15 milliards d’euros de chiffre d'affaires du secteur comptable (code Naf 69.2) lequel comprend exclusivement les structures d’expertise comptable (y compris les associations de gestion et de comptabilité, AGC), de commissariat aux comptes et les organismes de gestion agréés et éventuellement certains autres prestataires de ce secteur telles qu'une entreprise dont l'activité principale est la paie (hors édition de logiciel) — rappelons que le secteur des activités comptables englobe les entreprises dont l’activité principale est de fournir des services de tenue comptable, de vérification comptable, d’établissement financier, d’audit financier, de paie, d’établissement d’attestations ou encore de conseil fiscal .

Comment l'Insee a-t-il obtenu ce résultat ? Contacté, il nous précise avoir demandé aux entreprises interrogées d'indiquer la part, sur leur chiffre d'affaires, de dépenses de sous-traitance incorporée. Une définition précise de la sous-traitance incorporée leur a été donnée. Il s'agit des opérations intervenant directement dans le cycle de production de l’entreprise (conception, fabrication, mise en oeuvre, maintenance) et non pas celles destinées au fonctionnement interne de l’entreprise. 800 entreprises ont répondu à cette question.

Une externalisation entre cabinets indépendants les uns des autres

Toutefois, "cette sous-traitance incorporée ne concerne pas à 100 % des activités comptables mais probablement plus de 90 %", avance l’Insee. La raison : depuis 2017, cet institut élabore ses statistiques sectorielles entièrement à partir de la définition de l’entreprise au sens économique, c’est-à-dire à partir de la notion de groupe (voir la définition dans l'encadré ci-dessous). Auparavant, c’est la notion d’unités légales qui était principalement retenue, à l’exception de certains grands groupes. Concrètement, cela signifie qu’un groupe dont l’activité principale est comptable peut englober une ou plusieurs filiales dont l’activité principale est différente, par exemple des activités juridiques, du conseil en gestion ou encore de l’édition de logiciels. Mais ce phénomène serait marginal, selon l’Insee. D’où l’hypothèse selon laquelle la sous-traitance comptable incorporée serait supérieure à 90 %.

On peut donc en conclure que, grosso modo, les cabinets comptables externalisent 1,5 milliards d’euros de services comptables (8,5 % * 19,15 milliards d’euros * 90 %). Et cette sous-traitance est probablement essentiellement réalisée entre cabinets indépendants les uns des autres, c’est-à-dire qui n’appartiennent pas, lorsque la question se pose, à un même groupe. La raison : "comme les entreprises de ce secteur ont peu d’échanges commerciaux intra-entreprises (d’après les hypothèses de nos modèles), on considère que la sous-traitance a lieu essentiellement entre entreprises distinctes [donc entre groupes distincts] plutôt qu’au sein des entreprises. On élimine donc la faible sous-traitance à l’intérieur des entreprises et les chiffres publiés concernent bien la sous-traitance entre entreprises", détaille l’Insee.

Comment l'Insee définit le groupe
Le groupe est défini à partir des liens de détention entre unités légales. L'Insee a mis en place un répertoire statistique qui définit les structures de groupes à partir de ces liaisons entre sociétés. C'est le répertoire Lifi. Il contient les informations sur les liens de détentions capitalistiques entre sociétés (actionnaire et filiale) et sur ces sociétés. A partir de ces informations, un algorithme construit les groupes en déterminant leur tête et leur contour. Le noyau dur du groupe contient les unités légales directement ou indirectement contrôlées ou détenues à plus de 50 % par la tête de groupe. Pour 2017, l'Insee dénombre environ 134 000 groupes. Les deux tiers ont moins de trois sociétés. Pour 2016, l'estimation s'élève à 125 200 groupes.

 

Ludovic Arbelet

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