Au congrès de l'Ordre, les experts-comptables s'interrogent sur leurs nouveaux champs d'activité

Au congrès de l'Ordre, les experts-comptables s'interrogent sur leurs nouveaux champs d'activité

27.09.2019

Gestion d'entreprise

Des précisions ont été apportées sur le projet de reconnaissance des compétences spécialisées, l'autorisation du mandat implicite ou encore la possibilité de recouvrir les créances des clients. Les dispositifs devraient être pleinement effectifs d'ici la fin de l'année.

"Est-ce qu'il est envisageable qu'un jour la mission de commissaire aux comptes devienne une compétence spécialisée des experts-comptables ?" La question est tombée comme un cheveu sur la soupe, hier, lors d'une conférence du congrès annuel de l'Ordre des experts-comptables. En toile de fond, le projet de reconnaissance officielle des spécialisations de l'expert-comptable, combiné au relèvement des seuils d'audit légal qui aurait pour conséquence la disparition de 20 000 mandats maximum en 2019 et, pour certains, la fin de la profession de Cac. La question, posée par une personne du public, met donc les pieds dans le plat. Rires - un peu gênés - dans la salle. "Dans le futur, tout est envisageable", répond Charles-René Tandé. Mais "ce n'est pas du tout à l'ordre du jour aujourd'hui", affirme le président du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables. Même s'il admet que cela existe dans certains pays tels que le Canada.

Communiquer sur sa spécialisation

La spécialisation d'auditeur ne devrait donc pas apparaître dans la liste en cours d'élaboration au CSOEC. Celle-ci sera indicative et basée sur des compétences hors coeur de métier. "La liste est ouverte, donc rien n'est impossible", déclare Charles-René Tandé. A l'exclusion des missions relevant de la prérogative d'exercice de l'article 2 alinéas 1 et 2 (comptabilité, fiscalité, social) de l'ordonnance du 19 septembre 1945. Et les intervenants de citer l'évaluation ou encore l'accompagnement à la transmission d'entreprise comme exemples de spécialisations.

Seul l'expert-comptable personne physique pourra se faire reconnaître une compétence spécialisée mais le cabinet est autorisé à communiquer dessus (seulement) dans ce cadre, indique Gaëlle Patetta, directrice juridique du Conseil supérieur. Ces compétences spécialisées ne seront pas inscrites au tableau de l'Ordre donc pas mentionnées dans l'annuaire, est-il précisé. Cependant, "une fois qu'on aura cette compétence spécialisée reconnue, on pourra communiquer par tous les vecteurs possibles, c'est-à-dire qu'on pourra l'afficher sur notre carte de visite, sur le papier à en-tête et sur notre site internet", précise Christophe Priem du CSOEC.

"C'est un outil marketing [et] c'est aussi (...) l'occasion pour tout le monde et toutes les tailles de cabinets de mettre en avant ses compétences", estime Charles-René Tandé. Pourtant, certains experts-comptables redoutent que ce dispositif pénalise les petites structures et accélère la concentration du marché. Les gros cabinets n'ont pas attendu la reconnaissance des compétences spécialisées pour faire du conseil, répond Christophe Priem. Ce dossier est en attente de son décret (modifiant le décret de 2012) et de l'arrêté modifiant du réglement intérieur de l'Ordre des experts-comptables. 

Gérer l'ensemble du circuit administratif de l'entreprise

Par ailleurs, de nouvelles missions se font jour, depuis le vote de la loi Pacte. Tout d'abord, le mandat implicite donné à l'expert-comptable afin qu'il représente ses clients devant l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale (sauf pour l'accès au compte fiscal d'un particulier). La lettre de mission intégrera une mention "représentant de l'entreprise", est-il précisé. Il s'agit d'une présomption simple de mandat. "A tout moment, l'administration fiscale ou les organismes de sécurité sociale pourront vous demander de justifier de ce mandat là. Donc il faudra être en capacité de le produire", explique Christophe Priem. La mise en place effective du dispositif nécessite notamment la parution du décret (modifiant le décret de 2012), prévient Gaëlle Patetta. Qui mise sur une publication d'ici la fin de l'année 2019. A noter que le ministre de l'économie et des finances s'est engagé à ce que tous les décrets de la loi Pacte soient publiés d'ici le 22 novembre.   

Il faudra également attendre ce même texte d'application pour que l'expert-comptable puisse, à titre accessoire, recouvrer à l'amiable les créances de ses clients et payer ses dettes. "Derrière cette mission, on peut avoir l'ensemble (...) du circuit administratif de l'entreprise, cette notion de full services, et donc le chef d'entreprise peut déléguer complètement à son expert-comptable la gestion des actes administratifs (facturation, comptabilisation, règlement), explique Charles-René Tandé. C'est donc une vraie nouveauté, [et] combinée au numérique et à la facture électronique qui va se généraliser [en 2023, selon le projet de loi de finances pour 2020], c'est un vrai développement de chiffre d'affaires". Ces deux nouvelles missions nécessiteront la signature d'un mandat avec le client, et se feront à partir du compte bancaire du client et non de celui du cabinet, insistent les intervenants. 

Honoraires de succès facturables dès à présent

Les cabinets d'expertise comptable vont aussi pouvoir, explicitement, fournir des prestations financières, environnementales et surtout numériques. Concrètement, "on peut [par exemple] proposer à nos clients de les accompagner sur la cybersécurité, donc en faisant un diagnostic et l'évaluation des risques", explique Christophe Priem. "Cette mission pourra être faite sans avoir de mission comptable [auprès du client]". "Mais l'activité principale du cabinet doit rester l'expertise comptable", ajoute Gaëlle Patetta. Ce dispositif est effectif.

Il en est de même concernant l'autorisation pour les experts-comptables de facturer des honoraires complémentaires de succès. Le décret (modifiant le décret de 2012) devrait en fixer les modalités, selon le CSOEC, mais l'Ordre "considère qu'on peut d'ores et déjà facturer" de cette façon. A noter enfin que la norme professionnelle sur les activités commerciales accessoires est "en cours de finalisation". Elle "a été transmise à la Chancellerie par notre tutelle la DGFiP (...). On va travailler avec eux sur les modifications éventuelles qu'ils demandent", précise Gaëlle Patetta. "Ca avance très rapidement maintenant". 

Céline Chapuis

Nos engagements