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"Ce mouvement de sociétés interprofessionnelles va s'accélérer"

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Jean-Pierre Vuillermet
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Chaque semaine, retrouvez notre interview sur une question d'actualité. Jean-Pierre Vuillermet, président du groupe SR Conseil, nous en dit plus sur le rapprochement en cours avec le cabinet d'avocat Lexalp.
Votre société d'expertise comptable SR Conseil va fusionner avec un cabinet d'avocat. Quel est l'objectif de cette opération ?

L'objectif est avant tout de satisfaire les besoins de notre clientèle. Nous allons vers une stratégie de guichet unique, en déployant une offre de services verticale (traiter des aspects du droit des sociétés tout au long de la vie de l'entreprise) et horizontale (traiter l'ensemble des domaines du droit). C'est une complémentarité des services proposés. La société pluri-professionnelle d'exercice (SPE) ainsi créée représente un chiffre d'affaires de 35 millions d'euros pour 440 salariés répartis sur 21 sites.

Vous travailliez déjà avec Lexalp Avocats ? Pourquoi avoir choisir ce cabinet plutôt qu'un autre ?

Oui, nous travaillions avec plusieurs cabinets d'avocats de la région [Auvergne-Rhône Alpes], dont Lexalp. Nous avons choisi ce dernier car il était suffisamment structuré pour notre cabinet de 400 personnes. De plus, nous partageons des valeurs communes : une éthique, la qualité des travaux, la gestion de nos ressources humaines avec une association des jeunes, etc.

Nous avons déjà un département juridique de 17 personnes au sein de SR Conseil : c'est un service intégré qui propose depuis plusieurs années une offre sur la vie sociale des entreprises. Mais il n'y a pas d'avocats. Donc avec Lexalp, nous complétons notre offre en droit des sociétés et nous nous positionnons sur d'autres branches du droit (droit du travail, administratif, pénal, famille...). Nous avons une demande importante de nos clients sur ces différents domaines. Lexalp nous permet aussi d'aller en contentieux en cas de litiges.

Pourquoi s'associer avec un cabinet d'avocats et pas avec d'autres professionnels du droit, des notaires par exemple ?

Ce sont avec les avocats que nous travaillons le plus. Nos clients ont régulièrement des problématiques de cessions de parts, etc. Mais c'est la première étape de l'édifice que l'on va bâtir. Nous n'imaginons pas, à court ou moyen terme, ne pas intégrer un notaire dans cette structure. Quand nous faisons des opérations de fusions par exemple, nous avons des problématiques immobilières donc nous recherchons toujours ce type de partenariats.

Votre activité d'audit fera-t-elle aussi partie de cette SPE ? Le projet de loi Pacte, en cours de discussion parlementaire, va le permettre...

Non, l'audit restera une branche à part. Au sein de la holding groupe SR Conseil, nous avons une structure dédiée avec SR Audit. Seule SR Conseil, filiale spécialisée dans l'expertise comptable, intègre Lexalp Avocats. Mais ces derniers deviendront associés du groupe et auront accès à toutes nos activités.

Quand ce rapprochement sera-t-il effectif ?

Il s'agit d'une fusion-absorption, donc pour que les deux sociétés fusionnent, nous devons arrêter des bilans récents, au 31 décembre 2018. C'est la base juridique de l'opération. Il nous faut un peu de temps. De plus, nous attendons l'accord de l'Ordre des experts-comptables et l'Ordre des avocats auprès desquels nous avons déposé les dossiers régelementaires. L'opération sera effective au plus tard le 30 juin 2019.

En pratique, comment va se concrétiser ce rapprochement ? Vous regroupez des moyens ?

La structure juridique Lexalp disparaît. Les 22 salariés de Lexalp sont intégrés dans SR Conseil. Pour l'instant, ils gardent leurs bureaux, faute de place, mais à terme nous nous regrouperons physiquement.

Avez-vous rencontré des difficultés techniques, de mise en place de cette SPE ? Notamment pour valoriser les deux cabinets d'avocat et d'expertise comptable (s'agissant d'une fusion), en terme d'entente entre associés, ou encore pour choisir une assurance professionnelle ?

Nous avons senti une volonté de faire donc nous n'avons pas eu de difficultés particulières. Concernant la valorisation des deux cabinets, les méthodes d'évaluation sont connues dans nos activités. Ce fut simple. En terme de secret professionnel, la loi Macron a clairement défini le secret à la charge de chaque profession donc nous respecterons ces règles.

Il reste à caler nos couvertures d'assurance respectives. Nous allons réunir nos compagnies d'assurance pour choisir une seule assurance professionnelle. Et le dernier point technique à valider est celui de la convention collective des nouveaux salariés de la SPE. Des avocats collaborateurs vont intégrer un cabinet d'expertise comptable donc quelle convention collective leur appliquer ? En principe, c'est la convention de l'activité la plus représentative. Mais cela ne nous inquiète pas. Ce qui compte surtout c'est la confiance de nos clients.

Justement, avez-vous déjà informé vos clients ? Quels sont les premiers retours ?

L'annonce de ce rapprochement a été faite à la presse en début de semaine dernière. Nous avons aussi envoyé un courrier explicatif à nos 8000 entreprises clientes pour les informer. Les premières réactions ont montré un réel enthousiasme. Il en est de même en interne. Les collaborateurs nous disent qu'ils travaillent dans une entreprise qui bouge.

Les sociétés pluri-professionnelles d'exercice ont été instituées par la loi Macron d'août 2015. A ce jour, une douzaine de SPE seraient inscrites auprès des Ordres des experts-comptables et des avocats. Comment analysez-vous ce chiffre ?

C'est encore nouveau, il peut y avoir une appréhension, mais des confrères me disent que ça les fait réfléchir. Il faut que le mouvement soit lancé. Nous sommes la première SPE sur nos départements alpins (Savoie, Haute-Savoie, Isère, Hautes-Alpes).

Je pense que le marché ira de toute façon vers ce genre d'organisation. La profession comptable va vers une concentration. Et les cabinets de taille significative veulent se rapprocher de cabinets d'avocats en fonction de leur notoriété et de leur volume d'affaires. Le risque est qu’au fur et à mesure des rapprochements, le marché va se concentrer et que les structures de plus petite taille peinent à se développer. Il y a beaucoup de discussions en cours. Ce mouvement de sociétés interprofessionnelles va s'accélérer.

Propos recueillis par Céline Chapuis
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Propos recueillis par Céline Chapuis