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Relèvement des seuils d’audit légal des comptes : l’avis des entreprises (1°)

Que pensent les entrepreneurs de la perspective de se passer de leur commissaire aux comptes ? Nous avons interrogé six dirigeants de PME dont la société se situe aux frontières des nouveaux seuils. Premier volet avec les entreprises plutôt favorables au changement.

Le projet de réforme de l’audit légal veut relever les seuils de recours obligatoire au commissaire aux comptes. Seraient notamment concernées les SAS (sociétés par actions simplifiées) dont ces niveaux passeraient de 2 à 8 M€ de chiffre d’affaires, de 1 à 4M€ de total bilan et de 20 à 50 salariés. Par conséquent, nombreuses sont celles qui n’auront probablement plus l’obligation de nommer un Cac. Les mandats en cours au moment de l’adoption de la réforme se poursuivront jusqu’à leur terme, voire pourront être remplacés par un nouveau mandat dont le contenu reste à fixer. Pour les chefs d’entreprises potentiellement sous les nouveaux seuils, le changement à venir sonne parfois comme un soulagement. Bruno Jourdan, dirigeant de  la société de conseil en management P-Val Conseil, explique : "Nous sommes passés du statut de SARL au statut de SAS il y a deux ans, ce qui a entraîné l’obligation de recourir à un Cac. Honnêtement, cette mission me paraît superflue, pour une société comme P-Val, qui réalise 5M€ de chiffre d’affaires et emploie une trentaine de salariés. Nous avons déjà un expert-comptable qui valide les comptes, je ne vois pas l’intérêt d’imposer un contrôle supplémentaire alors qu’un professionnel du chiffre a déjà fait le travail auparavant. Le contexte de la réforme des seuils me fait penser à la situation de la vignette automobile dans les années 90 : les buralistes avaient le monopole de la vente, qu’ils pratiquaient machinalement, et quand la vignette a été supprimée, il y a eu un vent de panique car cette activité leur rapportait un quasi-treizième mois. Mais à part dans leur profession, personne ne s’est mobilisé contre le changement. Supprimer une mission obligatoire, qui coûte 5000 € annuels — ce n’est pas anodin — est plutôt un soulagement".

Un poste de coûts

Pour Gérard-Philippe Correia, directeur général de Lucem Conseil, intégrateur et conseil en solutions informatiques pour les entreprises : "Avec la réforme de l’audit légal, nous sommes susceptibles d’être en dessous des nouveaux seuils, donc de ne plus avoir besoin de recourir à un commissaire aux comptes. Mon prestataire actuel m’a brièvement parlé de cette éventualité, lors de notre dernière rencontre, mais sans s’étendre sur ce sujet. Pour être honnête, je vois la mission de certification des comptes par le Cac comme un poste de coût". De son côté, Valéry Peyret, président de Peyret SAS, société grossiste d’articles  pour les buralistes, témoigne : "Avec la réforme de l’audit légal, nous ne serons plus tenus de recourir à un Cac. Notre prestataire nous a déjà prévenu de cette éventualité, lors de notre dernière AG". Pour 6,3 M€ de chiffre d’affaires, Peyret SAS dépense annuellement 5800 euros (hors effet fiscal) en honoraires de Cac. "C’est un budget, confirme son dirigeant. D’autant qu’il y a aussi les honoraires du cabinet d’expertise comptable à ajouter". Pour Valéry Peyret, se passer du Cac signifie d’abord un soulagement, en termes administratifs. "J’ai du formaliser toutes nos procédures : achats, inventaires… établir un organigramme fonctionnel, et tout cela est à mettre à jour chaque année. Ce sera une lourdeur en moins à gérer". Il apporte cependant une nuance : "Mais d’un autre côté, la certification des comptes par le Cac est une sécurité, vis-à-vis de l’administration fiscale et des tiers en général".

Nouvelles missions : oui, si…

Ces chefs d’entreprise se montrent donc attentifs aux nouvelles prestations que pourraient effectuer les Cac. "Si on me propose de nouvelles missions, j’étudierai attentivement leur valeur ajoutée. Notre société est en forte croissance, et je pense qu’un conseil en stratégie, en organisation serait intéressant. Je pense aussi que le Cac serait légitime et aurait la hauteur suffisante pour délivrer ce type de conseil, peut-être plus qu’un cabinet d’expertise comptable qui reste malgré tout pris par le quotidien et les échéances déclaratives", estime Gérard-Philippe Correia. Valéry Peyret se dit également ouvert à de nouvelles missions, à condition qu’elles ne soient pas redondantes avec des sujets qu’il maîtrise déjà, étant diplômé d’école de commerce avec un troisième cycle en direction administrative et financière et régulièrement formé via le club d’entrepreneurs APM. Enfin, le dirigeant de P-Val reste circonspect : "L’expert-comptable est tout aussi légitime, voire plus, à proposer du conseil dans le domaine de la gestion et des finances à ses clients PME. Encore une fois, il n’y a pas d’intérêt à multiplier les prestataires".

 

Olga Stancevic
Ecrit par
Olga Stancevic